Archives mensuelles : janvier 2012

Le conflit fait parti de la relation: une situation.

Lors d’un conflit les enfants sont invités à exprimer leurs ressentis. Dire ce qui s’est passé pour soi, sans porter de jugement ou accuser l’autre. Parfois cela est difficile, la blessure est profonde et les enfants préfèrent se couper de ce qui se passe pour eux. « Rien, ça me fait rien » L’adulte ne cherche pas à moraliser ou à apporter des explications extérieures et parfois lointaines de ce qui s’est passé vraiment et intimement pour les enfants. Il laisse le temps à l’enfant de se mettre en lien avec lui, d’accepter sa propre douleur. 
 
Les enfants sont invités à écouter ce qui se passe pour l’autre. « ça te fait quoi, quand Marie te dit qu’elle a de la peine si tu te moques d’elle ». Le groupe peut être sollicité, chacun va pouvoir parler de son expérience. Tous ensemble, nous réfléchissons à ce qui pourrait aider les enfants dans la situation conflictuelle. Les enfants cherchent une solution qui convient à chacun. Le conflit est résolu, lorsque chacun s’est senti écouté, entendu et qu’il peut garder la tête haute, ne pas avoir à sauver la face pour cacher la honte d’être mauvais, la culpabilité d’avoir mal agit ou l’humiliation de la punition. La relation, ça s’apprend.
 
Chloé, 8 ans, est très dynamique. Elle se déplace rapidement à travers la salle sans prendre garde à ce qui se trouve sur son passage. Au détour du chemin qui devait la mener jusqu’à une paire de ciseaux, elle piétine le collage d’un participant. Et continue sans prendre en compte la tête complètement dépitée de Thibaut. Je prononce “ stop ” à l’ensemble du groupe et demande au garçon ce qui se passe. “ Rien ” dit il en se recomposant rapidement un visage souriant et aimable. “Ce n’est pas ce que je vois ” et je décris la scène de mon point de vue, au sens littéral du terme. Chloé prononce rapidement “ j’ai pas fait exprès, c’est pas grave ! ”Nous lui demandons d’écouter comment ce geste a été vécu par Thibaut. Lequel prend le scénario de Chloé, c’est pas grave, et explique qu’il va refaire la partie du collage abimée. Nous insistons sur ce qui s’est passé vraiment à l’intérieur de lui. Tout le groupe autour de lui est en attente. Après des mimiques diverses et variées, Thibaut laisse, à nouveau son visage décomposé revenir. Un enfant du groupe suggère: “t’es triste” “ Oui, c’est tout le temps comme ça ” Comment comme ça. “ on abime toutes mes affaires, tout le temps, je suis habitué. ”Et nous avons continué tous ensemble avec des questions et des échanges d’expériences à aider Thibaut et Chloé à mettre de la lumière sur la vraie réalité du vécu de cette scène, somme toute très banale et anodine. Il suffit de regarder une cour de récréation quelques secondes pour se retrouver devant une cascade de scènes du même type. 

 

Thibaut est parvenu à dire que malgré l’habitude, la colère s’accumule et, que si il vient à l’atelier, c’est parce que de temps en temps cette colère sort et qu’il se tape la tête contre les murs. Chloé quant à elle peut prendre la mesure de ce qu’elle déclenche par ses gestes incontrôlés et le manque d’attention à l’environnement des autres. 

 

La possibilité de nommer ce qui se vit véritablement au présent avec le soutien et partage du groupe constitue l’amorce d’une acceptation de ce qui est, le changement démarre là.
Michèle

mieux vivre les conflits

Lors des échanges avec les collègues mais aussi avec les parents, la question des conflits entre les enfants revient souvent. En général, les réponses des adultes alternent entre la discussion autour de ce qui s’est passé en tentant d’amener des règles et la valorisation de ce que serait la bonne conduite et la punition: mise à l’écart (piquet !) pour se calmer, privation, “des lignes”. La difficulté pour l’adulte réside dans la compréhension du conflit au niveau des faits: que s’est-il passé, qui a commencé, avec en filigrane une tentative pour déterminer qui est “le coupable” et “la victime”. Si la punition renforce cette distinction, le coupable en sort secrètement humilié. Ayant “perdu la face” il aura à cœur dès que possible de la “regagner”. La victime est renforcée dans son rôle de victime. La punition dans ce cas, renforce le conflit plutôt qu’elle ne le désamorce. Et de plus elle n’a pas fonction éducative.  Nous proposons une autre manière d’aborder le conflit qui permette aux enfants de comprendre ce qui se joue dans la relation, au niveau du ressenti.
Quelles sont les émotions qui ont provoqué cette réaction d’agressivité verbale ou physique, quelles blessures ont été réveillées, qu’est-ce qui est à ajuster pour que la relation puisse Etre, dans l’apaisement?   La place de l’adulte y est différente, il n’ est pas là pour arbitrer mais pour accompagner les enfants et servir de tiers. Si besoin, il évoque ses propres émotions face à ce conflit. ” Je suis vraiment triste lorsque je vous vois vous  bagarrer ainsi“. “ou bien “je suis très en colère car je ne peux travailler en paix dans la classe”.   Il oriente les enfants vers leurs ressentis et les incitent à trouver ensemble une solution convenable pour chacun. La mise à l’écart  prend alors un autre sens. Elle peut être un temps de retour sur soi, pour ce mettre en lien avec ce qui se passe à l’intérieur de soi et trouver un peu d’apaisement nécessaire. Elle n’est pas porteuse d’humiliation.
 
Maryse met en pratique cette manière d’aborder les conflits dans sa classe, elle témoigne: ” J’interviens de moins en moins pour tous les petits conflits quotidiens. Parfois la situation est évoquée en groupe. Chacun propose des solutions pour que cela s’arrange. Parfois les enfants concernés vont dans le couloir et cherchent ensemble une solution. la classe est plus apaisée et moi je suis moins fatiguée. Avant tout passait par moi et j’avais l’impression que je ne faisais plus que ça!
Michèle