Archives mensuelles : mai 2012

Le blason

Depuis le début de l’année, nous menons avec Marise un travail dans sa classe de CE1, CE2. Pour les parents et les enfants, il s’agit de mettre en place les conditions du “bien vivre ensemble”. Nous avons travaillé sur le sentiment de sécurité, le sentiment d’appartenance, l’engagement et la responsabilité de chacun dans sa relation aux autres, dans son travail. Les enfants apprennent à résoudre les conflits dans un climat de dialogue et de confiance.

Au début de l’année, Khalil était en grande difficulté dans cette classe: refus de travailler, refus d’accepter les consignes et les règles de la classe. A plusieurs reprises, il s’échappe de la classe ou de la cantine, voire de l’école et les pompiers sont appelés pour venir le rechercher. Nous frôlons l’exclusion scolaire, souvent évoquée dans des cas semblables. Avec Marise, nous refusons fermement d’avoir recours à cette décision, qui ne semble en rien une solution. Cela demande un courage certain pour Marise qui est très ébranlée par les crises de cet enfant, se sent en échec, impuissante et incompétente. Elle craint les remarques et le regard des parents. Les enfants de la classe sont aussi choqués, perturbés par ce qui se passe. Pourtant nous sommes convaincues que nous avons à signifier à cet enfant qu’il a sa place dans cette école et dans cette classe, quel que soit son comportement et ses difficultés relationnelles. Khalil est d’origine algérienne et nous comprenons que l’intégration de cette famille dans le village est problématique. C’est bien du sentiment d’appartenance dont il s’agit pour cet enfant et sa famille. Nous signifions aussi notre position auprès des parents et Marise les rencontre régulièrement.

Divers exercices ont été proposés en classe pour développer ce sentiment et peu à peu l’attitude de Khalil s’est améliorée.

Hier nous avons créé le blason de la classe. Voici la consigne:
Sur une petite feuille (1/4 de feuille A4) je dessine ou j’écris ce que j’apporte au groupe
Sur une autre feuille, je dessine ou j’écris ce que le groupe m’apporte.
Ensuite, les enfants lisent devant le groupe ce qu’ils ont écrit et colle chaque feuille sur une forme de blason en carton, séparée en deux parties.Un bandeau est réservé sur le haut du blason qui servira à écrire la devise de la classe.

Khalil refuse d’écrire, il hachure l’une des feuilles au stylo (ce que j’apporte au groupe). l’autre feuille reste blanche (ce que le groupe m’apporte). “Moi c’est rien” dit-il.

Nous sollicitons le groupe pour aider Khalil.
Ce que Khalil apporte au groupe: tu apportes de la gentillesse, tu es joyeux, tu es un copain, tu tiens la porte, tu fais des blagues, tu as beaucoup d’humour. Ce que le groupe pense apporter à Khalil: on lui apporte de la gentillesse, on le laisse tranquille, il a des copains.

Khalil écoute, légèrement agité; difficile d’entendre qu’il compte pour le groupe, qu’il a sa place, difficile de recevoir des remarques bienveillantes? Mais quel chemin parcouru depuis le début de l’année, pour tous, enfants et adultes.