Les enfants sont très agités dans cette classe. Une fillette parle sans cesse d’une voie aigüe tout en se dressant sur son siège, un petit garçon assis en travers de sa chaise suce son pouce, un autre se retourne et parle avec ses camarades. Je propose un petit enchaînement de Qi gong puis le jeu de la toile d’araignée. Il est fort difficile pour les enfants de se poser, certains vont y parvenir durant quelques courtes minutes. Les filles sont beaucoup plus réceptives.
Nous parvenons à faire tisser la toile, mais au moment de la poser au sol, quelques garçons se jettent au milieu des fils et commencent à s’enrouler. Cela se passe très vite, un des enfants se retrouve étranglé par le fil de laine et les autres continuent de rire et de tirer dessus. L’enseignante intervient rapidement et coupe la laine autour du coup de l’enfant. Elle a eu très peur que l’enfant se fasse étrangler, l’enfant quant à lui dit que « ça ne lui faisait pas peur, c’était pour jouer ».
Au départ Olivia veut punir les enfants. Cela ne me semble pas approprié, il me semble que les enfants n’ont pas réussi à se contrôler, que leur excitation était trop grande et que cet exercice était aussi mal choisi. Je l’invite à repérer ce qui se passe pour elle et à le dire aux enfants. Revenue en classe, Olivia exprime sa colère et sa peur aux enfants. Elle dit qu’elle est triste car elle aurait aimé faire ce jeu avec eux et leur demande de réfléchir et d’écrire ce qu’ils pourront faire la prochaine fois pour que tout le groupe parvienne à faire ce jeu et à le réussir.
Les enfants qui ont embrouillé les fils rendent feuille blanche. Embrouillage, c’est bien de cela dont il s’agit dans cette classe. Comme si tout était parasité en permanence dans la communication, les liens entre les enfants et l’enseignante, les enfants entre eux. Ces enfants qui ne sont pas en mesure de savoir comment faire autrement, paraissent eux-mêmes dans cet embrouillage de la pensée, du corps, de l’espace, du temps. Ils ne se sentent pas responsables de ce qui s’est passé, ne semble pas mesurer la gravité de ce qui était en train de se passer. Comme s’ils ne pouvaient distinguer leurs actes et la portée de leurs actes, de leur corps, de leur parole, de leur être. Ils sont dans l’agir mais ne sont pas acteur de leur vie.
Le fait que cet exercice ait échoué et aurait pu même « mal tourner » constitue notre point de départ. Ce qui échoue révèle un manque, une faille. Comment aider ces enfants à se reconnecter avec eux-mêmes, avec qui ils sont et les aider à se construire dans une relation apaisée à Soi et aux autres ? Comment désembrouiller le lien, pour lui redonner vie et efficacité dans la relation. J’ai l’impression que ces enfants ne sont pas « bordés », contenus, englobés dans quelque chose de rassurant. Peut-être devrait-on commencer par les remettre en contact avec de la douceur, du doux, du bon, du chaud, du tendre. Commencer la classe par une musique douce, lire une histoire, porteuse de sens, un conte, prendre une collation, faire un dessin sur comment je me sens aujourd’hui. Peut-être mettre en place, un cahier de dessin, sur lequel chaque jour ils pourraient dessiner cela. Peu à peu leur demander quelle est leur émotion associée à ce dessin. Quand une certaine sécurité sera revenue, ils pourront exprimer cela devant les autres. Les amener peu à peu à faire silence à l’intérieur, et éliminer ce qui parasite la pensée et agite le corps. Prévoir plusieurs temps de pose ritualisés dans la journée Ensuite dessiner leur animal du moment. Faire vivre cet animal. Dessiner sa famille. Comment fait-il lorsqu’il a peur. Qu’est-ce qu’il aime. Quels sont ses rêves, Etc